[MANUSCRIT] Comité de lecture - Les erreurs qui me sautent aux yeux

Oui, je fais partie d’un comité de lecture. Ça a l’air badass comme ça, mais c’est plutôt commun et pas aussi passionnant qu’on pourrait se l’imaginer. Cependant, ne nous leurrons pas : j’adore ça. Petite mise au point avant de poursuivre cet article.

Je « bosse » pour une maison d’édition très prometteuse - et je n'en dirais pas plus. Sachez que je ne touche rien pour mes retours. Beaucoup de personnes, comme moi, font ça bénévolement pour aider les "petites" maisons d’édition. Parce qu’encore une fois, soyons sincères : le budget est déjà très serré pour ces structures, impossible de pouvoir le dépenser en engageant des lecteurs. Avoir un comité de lecture est pourtant primordial. Quand vous envoyez votre manuscrit et que vous attendez jusqu’à six mois pour avoir une réponse, la raison est là : il y a trop d’envois et pas assez de lecteurs. (Ou que l'éditeur s'en fout, à voir.)

Concrètement, comment ça se passe ? 

J’ai accès à une petite liste de manuscrits qui sont disponibles à la lecture, avec un petit résumé de l’histoire pour nous accrocher. Je choisis alors celui qui m’attire le plus - en l’occurrence, dès que j’ai affaire à de la SFFF.
Je sais pertinemment, par exemple, que je n’aime pas du tout la romance et je ne postule jamais pour ce genre de manuscrit. Comment voulez-vous donner un avis neutre si vous savez pertinemment que vous n’allez pas aimer, non pas à cause du talent de l’auteur, mais tout simplement parce que ce n’est pas votre tasse de thé ? Impossible pour moi.

Pour finir, j’ai une fiche de lecture à remplir. Une partie avec des critères précis (« que pensez-vous du style, du vocabulaire ? de l’originalité ? »), puis une partie où je fais un commentaire personnel plus poussé. Pour finir, je dois dire si, pour moi, le livre doit être publié ou pas. Et tout tient dans ces deux petits mots : POUR MOI.
Ce que j’aime, dans mon comité de lecture, c’est que nous sommes plusieurs lecteurs pour un même livre. Si les commentaires se recoupent, c’est que quelque chose ne va pas. Si je suis la seule à détester, si je me suis levée du mauvais pied en commençant ma lecture, voilà qui donne plus de chance au manuscrit. Et c'est bien naturel.
Honnêtement, je ne sais pas si toutes les maisons procèdent de la même façon, puisque c’est ma seule expérience dans le domaine (et il y a bien assez de manuscrits pour un seul comité). C’est pourtant la chose la plus intelligente à faire.
MAIYE. Cet article a pour but de vous partager MON avis. Ne prenez donc pas ce qui va suivre pour une généralité. Mais on ne va pas se mentir, nous sommes nombreux à penser la même chose. C’est tipar ?

(Par ordre d'agacement.) (Je fais les choses bien.)
▪ Un univers sans vie. 

Lorsqu'on ressent de la tristesse, de la compassion, de la joie ou de l'amour lors d'une lecture, c'est une grande joie pour l'auteur.trice. Ressentir des émotions pour les personnages, ça peut sembler être la base, mais c'est finalement difficile à créer.
Et c'est souvent ce qui pêche le plus lorsque je lis des manuscrits. Je ne ressens rien, strictement rien pour les personnages. Action, dialogue, action, dialogue... Si ça suffisait pour me faire ressentir quelque chose, ce serait facile. Mais j'ai parfois l'impression de voir deux robots évoluer dans un monde que je ne connais pas.

Exemple : "Machine entra dans le train. Depuis 100 ans, on avait interdit les voitures, pour privilégier les transports en commun. 
Machine s'assit, les arrêts défilèrent, puis elle arriva à destination. Elle descendit à son arrêt et fit le chemin jusqu'à sa société." 
Quand je lis ça, je ne ressens strictement rien. En revanche, si on me décrit l'agacement de Machine, si on me la présente comme étant nostalgique de l'ancien temps "où tout le monde avait une voiture", ou même si Machine est en retard, qu'elle se précipite pour arriver à l'heure et qu'elle tombe sur la route, tout cela rendra la scène plus vivante.

De même, décrire des actions pendant des longues phases de dialogue, même anodines, peut faire vivre vos personnages. Si Machin s'interrompt pour prendre une gorgée de café, ça veut dire que Machin est en vie, qu'il bouge, qu'il est humain. Je sais, ça peut paraître bête dit comme ça. Mais ça me manque très souvent lors de mes lectures. 

▪ Les Deus ex machina pourris. 

Qu’est-ce qu’un Deus ex machina ? Littéralement, c’est une locution latine qu'on peut traduire par « dieu sorti de la machine » (merci Wikipedia). Pour continuer avec Wikipedia, qui décidément fait bien son boulot, c’est grossièrement « un événement inattendu et improbable qui vient régler les problèmes du protagoniste à la dernière minute ». Imaginez : nous sommes en pleine scène de guerre et la bataille tourne au désavantage de votre héros... et là PAF ! Dieu débarque et d’un claquement de doigts donne au héros des supers pouvoirs pour qu’il dézingue l’armée du méchant. 

Alors oui, je force un peu le trait. Ils sont beaucoup utilisés et ce n'est pas forcément nul. Encore heureux ! Mais un mauvais Deus ex machina a le don de me foutre en rogne. Vraiment. J’ai l’impression d’avoir lu des dizaines de pages pour qu’au final, on m’explique qu’un miracle va tout résoudre, alors que les héros se sont cassé les fesses pour résoudre ces mêmes problèmes (donc, tout ce qu'ils ont fait, ils l'ont fait pour rien). En gros, merci, circulez, y’a rien à voir. Personnages, vous êtes tellement nuls que je vais faire intervenir une action divine.

Si votre univers se déroule dans un monde où la religion et les divinités ont une grande importance, si votre héros a passé son temps à prier tout au long du bouquin pour avoir les faveurs des Dieux, si votre héroïne est une prêtresse, c’est cohérent. Si le Deus ex machina sort de nulle-part, merci, mais non merci. Tout cela me donne juste l'impression que l'auteur a mis ses personnages dans une situation inextricable parce que c'est cool, mais qu'il ne sait absolument pas comment s'en sortir.
(Je prends pour exemple une intervention divine, mais ça peut évidemment être autre chose, n'est-ce pas.) 




▪ Les incohérences (attention, gros pavé en approche). 

Remarquez que j’ai placé les incohérences juste après les Deux ex machina. Ce n’est pas pour rien : un Deux ex machina, même s’il est profondément nul, peut ne pas être une incohérence - même si la frontière est parfois mince.
Non, les incohérences dont je vous parle sont celles qui sautent aux yeux et dont tout le monde semble se foutre. Pourquoi je dis ça ? Parce que j’ai vu Prometheus.

Allez, on commence par ça. Prometheus est un vivier d’incohérences, ce serait dommage de ne pas en profiter. C’est partie pour le show ? - Spoiler Alert ! -
- Les scientifiques entrent dans une caverne. L’un d’entre eux balance aussitôt des robots et ces derniers cartographient tous les lieux. C’est beau, cette carte 3D en hologramme… Cinq minutes plus tard, pourtant, deux scientifiques se paument. Fuck you.
- Un homme flippe devant un cadavre d’alien (donc devant la plus grande découverte de sa vie, au passage) et préfère partir. (C’est d’ailleurs lui qui va se paumer.) En revanche, deux minutes plus tard, il va littéralement faire des papouilles à un serpent bien dégueulasse et bien vivant. Changement de personnalité, donc. OK. Oh, tu te fais bouffer par ce même serpent ? Sans déconner mec, bien fait pour ta gu**le.
- Sur le vaisseau, il y a une cabine de chirurgie, un robot ultra perfectionné, ce qu’on fait de plus moderne au monde. En cas de pépin, entrez dans la cabine, elle vous soignera ! Bon, par contre, cette machine ne connait que le corps des hommes. Hey, on ne peut pas tout avoir dans la vie.
- Une dernière pour la route ? On a l’habituelle scène où une nana se fait opérer pour se faire retirer un bébé alien (par une machine qui ne sait même pas qu'elle a un utérus, je le rappelle). Elle se barre de la sale d'opération et rejoint d’autres membres de l’équipage. Elle est en sang, dégueulasse et épuisée, recousue de partout… mais personne ne semble s’en inquiéter. Je dirais même : un bébé alien dans le vaisseau ? Osef maggle.

Allons, parlons d’un autre film, sinon on va croire que je m’acharne. Passons à Twiligh, avec l’incohérence qui m’a fait le plus marrer.
Dans le premier film, on nous explique que les Cullen, qui sont des vampires, brillent telles des boulettes à facette rétro lorsqu’ils se trouvent sous le soleil. C’est pour cela qu’ils ont décidé de s’installer dans la ville la plus pluvieuse du coin, histoire de ne pas trop attirer l’attention - bonjour le stress à la moindre éclaircie. Mais bon, jusqu’ici, c’est cohérent.
Lors du troisième film, pourtant, tout ce petit monde est réuni pour le mariage de Bella. Sous un grand soleil. Avec des tas de vampires et des tas d’humains. Et personne ne brille. ... Alors oui, c’est bien pratique, c’est plus joli. Mais à quel moment ceci respecte les règles imposées par l'autrice ? Les vampires ont un bouton on/off ? Et s’ils ont ce fameux bouton, pourquoi se casser les couilles/ovaires à habiter dans un patelin paumé s’ils peuvent vivre en plein soleil finalement ? Pourquoi ne pas organiser le mariage le soir, tout simplement ?

J’ai pris des exemples de films, mais cela vaut aussi pour les manuscrits. Je suis déjà tombée sur ce genre d’incohérences, voir même de plus énormes encore. Inutile de vous dire que si vous laissez passer ça dans votre récit, je suis capable de faire un pavé de trois kilomètres cinq dans mon commentaire final, avec thèse/antithèse/synthèse pour calmer ma colère. Une ou deux petites incohérences, évidemment que ça arrive à tout le monde. Ça peut se corriger, parfois facilement (genre, organiser un mariage à 20H et pas à midi).
De GROSSES incohérences qui foutent en l’air tout votre univers ? Qui témoignent plus de la fainéantise que de l'oublie ? … Nope. Nopenopenope.

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